Le compost, enfin !

Il était grand temps…

Depuis deux ans, nous parlons jardinage biologique, et nous n’avons pas encore abordé de façon détaillée cette technique reine de la fertilisation, ce produit magique et naturel, cette solution si efficace pour réduire nos déchets et les convertir en une matière noble et précieuse : le compost.

 
Il tire son nom d’une origine latine : «  composte  » qui signifie mêlé, composé, mis ensemble. Le mot « compote » a d’ailleurs la même origine.

C’est une très vieille pratique, qui remonte sans doute au néolithique : les premiers hommes, en développant l’agriculture et l’élevage, ne tardèrent pas à constater qu’un tas de feuilles qui se décomposait devenait comme de la terre.

Le modèle reste la forêt , où la matière organique, végétale et animale, retombe au sol, constitue la litière, se désagrège doucement, et participe à la formation de la couche d’humus.

Dans nos jardins, le processus est un peu artificiel, et surtout très accéléré ! Mais le principe de base reste le même : rendre au milieu la matière organique exportée . Le sol qui a nourri nos plantes, nos légumes, nos fleurs, a besoin de recevoir non pas une simple combinaison d’engrais, mais un produit vivant, sain, hétérogène, qui participe à son équilibre et alimente ses micro faune et flore…

 

Faire son compost :

Les deux principaux composants (même s’il y en a beaucoup d’autres !) sont le carbone et l’azote . Car c’est l’équilibre entre les deux qui va présider à la qualité du compost. On parle du « rapport C/N ». Dont la valeur idéale est de 30 : c’est-à-dire un mélange harmonieux des matières compostées qui aboutira à 30 parts de carbone pour une part d’azote.

C’est plus simple que ça en a l’air, heureusement ! Avec de l’habitude, on distingue très facilement :

•  les matières carbonées, dites « sèches » ou « brunes »  : broyats, paille, copeaux, brindilles, feuilles mortes ;

•  les matières azotées, dites « fraîches » ou « vertes »  : épluchures de légumes, tontes de gazon, feuilles vertes…

 

Un petit tableau permet de les connaître et les différencier :

Principaux matériaux utilisés pour le compost C/N
Déchets de jardin, tontes de gazon 10
Déchets de cuisine 20
Foin de légumineuses, herbes sèches 15
Fumier (après 3 mois de stockage) 15-20
Feuilles mortes 50
Paille 50-150
Copeaux de bois 500

 

Leur mélange assurera un bon équilibre des matières minérales, mais aussi une bonne aération et une bonne humidité.

Car nous voilà au cœur des deux autres secrets d’un compost réussi : l’air et l’eau.

En tas, dans des bacs ou des caissons autoconstruits, les apports se décomposeront grâce aux microorganismes, animaux, champignons, bactéries… Tout un petit monde qui a besoin d’oxygène et d’humidité.

Trop de matière fraîche ? le mélange s’asphyxie, fermente, pourrit…

Trop de matière carbonée ? l’ensemble est trop sec, la décomposition trop lente…

La configuration idéale est de disposer à côté du compost d’une réserve de «  constituants  » carbonés, copeaux, broyats, que l’on rajoute à chaque apport de matière azotée. Un brassage tous les 2 ou 3 mois permettra d’aérer l’ensemble si besoin est. La surveillance de l’humidité indiquera s’il faut un léger arrosage ou au contraire un ajout de matière sèche.

Après un mélange ou un brassage important, se produit souvent le fameux «   coup de chaleur »  : une fermentation accélérée, bactérienne, intense. La température peut monter de 50 à 70° quelques jours, puis redescendre progressive-ment. Très utile pour tuer les éventuels germes et mauvaises graines, le coup de chaleur n’est cependant pas indispensable.

Le compost est mûr au bout de 9 mois à un an : il est marron foncé, il sent le sous-bois, le champignon, il regorge d’éléments minéraux directement assimilables par les plantes, car « prédigérés » par les microorganismes du sol…

Attention ! au bout d’un an, le compost se re-minéralise progressivement, ses composants redeviennent inorganiques, et plus facilement lessivables* ! En bio aussi, on peut polluer les nappes phréatiques de nitrates et de phosphates…

 

L’utiliser :

On distingue deux stades principaux de maturation où le compost s’utilise, et une phase de vieillissement.

Ces trois niveaux imposent des usages différents et par de là, des méthodologies différentes..

Compost à demi-mûr (entre 3 et 6 mois, après le ou les coups de chaleur) : la dégradation de la plupart des éléments est effectuée, mais quelques matériaux sont encore reconnaissables. C’est un produit très nutritif, propice aux plantes gourmandes (Solanacées*, Cucurbitacées*, Brassicacées*) – mais à utiliser avec précautions !

•  le processus de dégradation et de fermentation n’étant pas terminé, ce compost demande un milieu aérobie*  : il ne peut s’épandre qu’en surface, avec un léger paillage parfois, mais pas plus… aucun enfouissement !

•  comme il est encore susceptible de coups de chaleur, il faut empêcher son contact avec les plantes : toujours laisser un cercle libre autour du collet et de la tige, pour éviter les brûlures ;

•  il est très intéressant de l’épandre à l’automne, sur les futures planches du potager, et au pied des arbres et des arbustes : sous paillage léger, il conservera parfaitement ses éléments nutritifs, pour les rendre assimilables progressi-vement pour les plantes au printemps.

 

Compost mûr  (entre 6 mois et un an) : les éléments sont dégradés et combinés entre eux, on ne les distingue plus, l’ensemble est grumeleux, proche de l’humus. Il est propices aux plantes moyennement gourmandes, certaines Brassi-cacées, les Apiacées*, les poireaux, salades, épinards :

•  on l’introduit au printemps sur les plates-bandes, pendant ou juste avant les plantations – on peut ré-amender une culture en été, si elle souffre de carences ;

•  Toujours pailler par-dessus (là encore on prend exemple sur la litière de la forêt), pour préserver humidité et ombrage.

•  On peut l’incorporer en surface (sur 5 à 10 cm au maximum), mais il est inutile d’en déposer dans les trous de plantation : l’eau d’arrosage saura bien dissoudre et apporter les éléments nutritifs aux racines.

 

Vieux compost  : on l’a vu, après un an, le compost commence à perdre des matières carbonées sous forme de gaz carbonique, il se reminéralise, se transforme en terreau, plus neutre, moins riche. Il est bien sûr utilisable, mais de moins en moins intéressant. Une exception cependant : les cultures délicates, telles que fleurs, aromatiques, ainsi que les carottes, qui ont besoin de terre légère, apprécient ce substrat bien aéré.

On peut y réincorporer quelques broyats pour fixer l’azote (qui sera alors consommé et retenu par les bactéries) si on craint le lessivage.

Le dosage  : entre 1 et 3 kg au m². Difficile d’être très précis ! Deux paramètres à prendre en compte : les plantes sont plus ou moins gourmandes, on l’a vu, mais la maturité du compost joue également. C’est logique : plus il est mûr, moins il est fertilisant…

 

Une combinaison intéressante  si on a les deux produits à disposition :

•  une petite quantité de compost mûr à la plantation (semis ou repiquage), suffisante pour le démarrage ;

•  puis, dès que la croissance est conséquente, on sarcle et on épand du compost frais, on paille. La dégradation est alors progressive (un véritable « engrais-retard », comme disent les pro-chimiques  !), l’azote est lentement assimilable, et des produits transitoires intéressants se forment ;

•  après la culture, on bénéficie d’un reliquat important d’humus pour la culture suivante.

 

Glossaire

*Lessivables : les éléments solubles sont facilement entraînés par les eaux de pluie, ce qui représente une perte de fertilité pour la couche supérieure du sol, et un risque de pollution pour la nappe phréatique.
* Solanacées  : les tomates, poivrons, aubergines, pommes de terre…
* Cucurbitacées  : courges, potirons, courgettes, concombres…
* Brassicacées  : anciennes Crucifères , la famille des choux !
* Apiacées  :  les carottes, fenouils, céleris, panais…
* Aérobie  : milieu riche en oxygène.